Union Nationale des Combattants de Côte d'Or

Union Nationale des Combattants de Côte d'Or

L'Union Sacrée

C’est la formule qui a présidé à notre fondation et autour de laquelle 200.000 camarades se sont groupés déjà.

Elle signifie que les français de la même France ont compris qu’ils avaient un « nom de famille » et des « prénoms » et que, si entre fils de la même famille ils avaient le droit de discuter sur la répartition équitable du patrimoine familial, ils n’entendaient pas qu’un étranger vint se mêler à leurs discussions, et quand en août 1914 l’Allemagne a voulu profiter de nos discordes, trop fréquentes, hélas ! pour nous attaquer, elle a trouvé devant elle un peuple debout et uni qui a su défendre et conserver l’intégralité de son patrimoine moral et matériel.

Voilà la première leçon qui se dégage de la Grande Guerre : l’union sacrée a sauvé le pays.

Cette même formule doit aussi le régénérer.

Or, il apparaît que des inégalités criantes, voire même des injustices profondes, s’y opposent. En effet, le combattant à qui l’on avait fait tant de belles promesses s’est retrouvé, lors de sa libération, devant un dépôt démobilisateur qui lui a offert un vêtement sordide ou, en échange, une prime ridicule de 52 francs !!!

L’artisan, le commerçant, ont retrouvé une boutique déserte, un matériel détérioré, et pas le moindre crédit.

L’employé, l’ouvrier, n’ont pas toujours pu reprendre leurs emplois d’avant-guerre ou dans des conditions telles que le renchérissement de la vie ne leur permettait pas de vivre.

On a vu des mutilés offrant vainement ce qui leur restait de forces pour obtenir le salaire d’appoint dont ils ont besoin.

On a vu les veuves et les orphelins de nos héros plongés dans la plus noire misère.

On a vu des captifs de retour d’Allemagne obligés d’avoir recours pour vivre à la charité publique ou privée.

On a vu et on voit encore chaque jour des combattants qui ne mangent pas à leur faim et qui ne savent pas où ils dormiront le soir.

La prime de démobilisation devait parer aux premiers besoins de la rentrée dans la vie civile : combien, démobilisés depuis plus de six mois, attendent encore la prime fixe de 250 francs ! C’est une sinistre plaisanterie !

De même, les mutilés et les veuves attendent le relèvement effectif de leurs pensions dérisoires : pécules, rappels de solde, indemnités diverses, rien ne vient qu’avec lenteur.

La Loi n’a pas encore réglé la question de crédit aux petits commerçants et artisans démobilisés, qui ne savent pas non plus comment s’opérera le règlement de leurs dettes d’avant-guerre.

Nous passons n’ayant pas à énumérer ici toutes les revendications légitimes et pressantes des mutilés, des réformés, des prisonniers de guerre, des veuves et des familles de ceux qui sont morts, de tous les anciens combattants, de leurs ayants droit, héros et victimes de la guerre.

Nous ne méconnaissons pas ici les difficultés de la transition de l’état de guerre à l’état de paix et nous ne demandons qu’à aider les pouvoirs publics à les résoudre, mais, quand même, nous constatons qu’autour de nous on mange, on s’habille, on se loge, on s’amuse, quand on a de l’argent, et il se trouve que ce sont ceux-là, qui précisément, ont sauvé la fortune publique, qui manquent de l’argent nécessaire pour assurer leur subsistance.

Voilà la seconde leçon de la guerre : elle semblerait vouloir prouver que les combattants en pratiquant l’Union Sacrée ont conclu un marché de dupes. Cela ne peut pas être, cela ne sera pas !

Et qu’on ne prenne pas cette affirmation comme une menace à l’ordre public. Le combattant connaît trop les horreurs de la guerre pour replonger le pays qu’il a sauvé dans la lutte civile. Ce qu’il veut, c’est reprendre la place à laquelle il a droit dans la grande famille française et ce minimum, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir, il saura l’exiger sans révolte et sans pose, mais avec toute la vigueur dont il est capable !

C’est pour représenter les droits des combattants que l’U.N.C. a été créée. Elle accepte sans son sein tous ceux qui ont pris part aux combats ou ont été exposés à leurs dangers par leurs services.

Son organisation très souple, son respect de l’autonomie lui permettent de grouper les associations locales ou régionales dont la voix serait trop faible pour se faire entendre et qui ne pourraient songer à fonder les institutions d’entraide puissantes qui peuvent seules être utiles aux combattants.

L’U.N.C. a organisé à Paris et déjà dans de nombreuses villes de province des services de placement, de consultations juridiques et médicales.

Enfin elle ne veut pas cantonner son action aux seuls services d’intérêt immédiat mais la faire déborder sur le terrain social et coopérer ainsi au relèvement économique et au progrès social de la nation. Elle entend favoriser l’organisation professionnelle, le prêt, la mutualité, la coopération et l’accession à la petite propriété.

Tel est le champ de notre activité, immense quand on le considère dans son ensemble mais bien réduit tout de même si dans chaque région nous pouvons compter sur le dévouement de nos frères d’armes et sur la générosité de tous ceux qui ont apprécié l’étendue de nos sacrifices.

Clemenceau.jpgLe soir du 28 juin, le président du Conseil* en pénétrant dans le Palais de Versailles est allé spontanément serrer les mains des camarades qui représentaient les combattants à cette cérémonie à jamais mémorable. L’illustre vieillard* qui connait les angoisses de la bataille et le prix du sang versé a fait ce jour-là un geste que la France généreuse doit comprendre !

Elle doit aux combattants le prix d’une victoire durement acquise. Elle doit les aider à s’aider eux-mêmes. Elle doit en un mot faire confiance, pour régénérer le pays, à ceux qui l’ont sauvé.

En cette journée du 28 juin, dont nous n’apercevons pas encore la grandeur ni l’importance historique, la Paix, la bienfaisante Paix est descendue sur notre vieux monde encore étourdi des bruits et des horreurs de la lutte et d’une voix encore mal assurée elle a dit les grands espoirs qu’elle apportait mais qu’il nous appartient de réaliser.

Or comment pourrions-nous songer à supprimer les luttes entre les peuples si nous ne commençons à bannir les luttes intérieures qui trop souvent ont affaibli notre chère patrie ?

La Société des Nations ne saurait être une cohue, une confusion de nations divisées elles-mêmes et il se trouve que si nous voulons la paix générale il faut d’abord que la paix règne chez nous.

Pratiquons donc cette Union Sacrée qui a fait ses preuves, qu’elle que soit notre confession, notre opinion ou notre classe, soyons Français par-dessus tout puisque c’est encore le meilleur moyen de servir la cause de l’Humanité.

Telle est l’ultime leçon que les combattants veulent tirer du premier jour de Paix.

 

* Georges CLEMENCEAU

VDC 1.jpg



16/08/2015
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Politique & Société pourraient vous intéresser